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Ce blogue est conçu pour permettre à notre famille et à tous nos amis de suivre cette belle aventure qu'est l'adoption de Lyvia au Vietnam en 2010, puis de celle de Liam en Chine en 2013. Elle a débuté il y a quelques années déjà et se continuera encore et encore...

lundi 5 avril 2010

Marble Madness










25 mars 2010

Le titre d’aujourd’hui évoquera, chez certains nostalgiques d’une époque révolue, un vieux jeu éponyme de la console Nintendo Entertainment System. Oui oui, la mythique NES, le vieux Nintendo 8 bits, la première, avec laquelle il fallait se battre pendant une bonne heure pour faire marcher un jeu (power-reset-power-souffle dans la cassette-power power-pèse sur la cassette 3 fois de suite-brasse la cassette dedans-power-reset-yes ça marche! Asteure, touche plus à la table…)! Un jeu sans violence aucune, où on contrôlait une bille qui descendait un parcours semé d’embûches. Qu’est-ce que j’aimais ce jeu.

Aujourd’hui donc, le jeudi 25 mars, nous avons fait un saut dans une autre époque, une époque pas si révolue que ça, mais qui semble néanmoins incongrue, hors du temps. Pas intemporelle, mais atemporelle. Comme si la quatrième dimension n’y avait pas d’emprise. En fait si, elle en a, puisqu’on peut y pénétrer. C’est plutôt l’Histoire qui semble s’être arrêté. L’historicité n’a plus court dans cet endroit. Un peu comme les fans fini de la vieille console NES, qui, comme moi, boudent les nouvelles consoles, dont les graphiques hallucinants fonctionnent presque comme un repoussoir au regard du charme rétro des débuts du gaming.

Cet endroit, c’est la Montagne de Marbre.

La Montagne de Marbre est située à mi-chemin entre Danang et Hoi Hanh. Pour une poignée de dollars américains, nous nous sommes procurés un guide, qui s’est avéré être un charmant bonhomme de 71 ans, qui fut recruté, ou plutôt conscrit, par les américains durant la guerre pour leur servir d’interprète, puisqu’il parlait couramment la langue de Shakespeare. N’ayant pas vraiment le choix, celui-ci a obtempéré – pour se retrouver, lors de la victoire des forces révolutionnaires, à séjourner pendant neuf ans dans un camp de prisonnier pour avoir collaboré avec l’envahisseur. Malchanceux, certes, mais tellement sympathique.

Bref.

La Montagne de Marbre est le cœur de l’industrie du marbre vietnamien. Notre guide nous expliqua que la montagne est en vérité cinq montagnes, dont les noms évoquent les éléments aristotéliciens plus un : Eau, Air, Terre, Feu, Fer. Ces montagnes, séparées entre elles par une lieue de prairie, forment une sorte de cercle dont le centre est entièrement occupé par un village d’artisans, qui travaillent le marbre à la main. Le roc de chacune de ces montagnes est entièrement composé de marbre; mais paradoxalement, ce n’est pas ce marbre qui est employé par les artisans. En effet, il apparaît que ce marbre est trop friable pour être proprement travaillé – aussi, la matière brute est importée d’Hanoi, mais est sculptée au pied de ces montagnes, puisque c’est là que se situe l’expertise.

Et il s’agit bien d’expertise : les ruelles sont jonchées de statues de toutes formes, de toutes tailles, toutes plus renversantes les unes que les autres. L’œil ne suffit pas pour balayer les merveilles de marbre qui s’y trouvent. Et notre guide de nous recommander de ne rien acheter pour le moment! Il nous faut, en effet, toute notre énergie pour la suite : les marches.

Une seule des cinq montagnes est emménagée : celle de l’Eau. À son sommet, se trouve une série de temples bouddhistes. Pour s’y rendre : 157 marches à grimper, taillées dans des blocs de marbre de toutes les tailles et de toutes les couleurs, et liées entre elles par du ciment. Une longue escalade pour un vieux guide et un jeune papa, lequel trimballe une Lyvia, rapidement endormie, dans notre Moa-Pô (vraiment, j’adore ce porte-bébé – une vraie merveille!). Nous discutons beaucoup, en anglais évidemment – pendant que Nath et sa mère, quand à elles, se transforment en kodaks vivants, capturant chaque angle de la montée et de ce qui se trouve au sommet. Dans Marble Madness, les billes descendent le parcours; nous, nous le grimpons.

Je suis un littéraire, et il m’est difficile de rendre compte de la splendeur des temples bouddhistes qui se marient avec la Montagne d’Eau. Ce n’est pas tant qu’ils soient massifs : n’importe quelle cathédrale chrétienne les surpassent en hauteur (et en largeur, et en profondeur). Ce n’est pas tant non plus la richesse des matériaux employés : certes, beaucoup de marbre (à l’évidence) et de céramique – mais là encore, les cathédrales chrétiennes n’ont rien à leur envier. Ce qui fait la majesté de ces constructions, ce sont leur capacité à se mouler à leur environnement, à en épouser les formes et la géographie, alors que les couleurs des matériaux employés permettent un contraste feutré mais suffisamment prononcé pour attirer l’œil, qui s’émerveille, et contemple, fasciné, une architecture ancienne et détaillée danser une valse éternelle avec une montagne désormais sacrée. Un intense sentiment de paix et de plénitude envahit ainsi le promeneur ébloui.

L’une de ces constructions mérite un arrêt sur image. Un temple sublime parce que niché au fond d’une grotte naturelle. Les parois rocheuses, couvertes d’une mince couche de lichen, absorbent une partie de la lumière pour mieux la renvoyer dans une douce teinte de jade, qui confère à l’atmosphère une empreinte de sérénité qu’il m’ait rarement été donné de vivre, et qui semble étrangement émaner du Bouddha gigantesque situé sur la paroi opposée au passage qui mène à ce lieu. Cette lumière provient du sommet de la grotte, où trois ouvertures sont visibles.

Ces puits de lumière, nous apprend notre guide, sont artificiels : ils ont été causés par un bombardement aérien de l’aviation américaine, qui soupçonnait ce lieu d’abriter des révolutionnaires pendant la guerre, ou pour le moins d’être l’une des nombreuses caches d’armes de ceux-ci. Quelle folie. « Stupid war… », de commenter notre sage compagnon.

Je ne peux qu’être d’accord. Et intérieurement, j’ajoutai :

... d'américains sales.

M.

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